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L’homosexuel homophobe, l’étranger xénophobe, ou la difficulté d’assumer qui on est

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« Un homo qui vote à droite, c’est comme une dinde qui voterait pour Noël ». Ce bon mot, un peu piquant, peut-être au goût amer, de Jean-Luc Romero, conseiller régional de gauche après avoir été de droite, résume à lui seul la perplexité dans laquelle on tombe rapidement quand on voit les changements d’orientation politique de certains, si on ne comprend pas à quel point il peut être difficile d’assumer ce qu’on est, et pourquoi c’est difficile.

La perplexité est encore plus grande quand on voit, il y a quelques jours, un militant, fondateur d’une asso homosexuelle liée précédemment à l’UMP, rejoindre l’extrême-droite : Comment un gay peut-il adhérer à un mouvement dont des responsables tiennent, depuis toujours, des propos si excluants pour toutes celles et tous ceux qui sont un peu différents du stéréotype du « français, blanc, hétéro, catho » ?

Ne vous y trompez pas, je ne suis pas en train de dire qu’on ne peut pas être homosexuel et de droite. J’en connais. Beaucoup. Mais ceux qui assument vraiment leur homosexualité ont, tout en restant à droite, dit leur soutien à l’égalité des droits. Les autres se sont positionnés contre l’égalité des droits (ou militent à l’extrême-droite) soit par calcul, soit par difficulté à assumer ce qu’ils sont.

Des universitaires canadiens (1) ont étudié les phases dans lesquelles passe une personne présentant une singularité avant d’assumer pleinement cette singularité. Ces phases, présentées ici de manière très résumées, passeront pour être trop simples, voire simplistes ; j’assume cette simplicité, pour les besoins de la présentation.

Ces phases sont au nombre de 4 : la négation, l’intériorisation de l’oppression, la différenciation, l’acceptation.

Pour illustrer ces 4 phases, je vais prendre pour exemple une personne qui commence à comprendre qu’elle est homosexuelle.

La première phase dans laquelle elle sera, sera celle du déni, de la négation. En quelque sorte, elle se dira ce qui suit : « Je pense que je suis homosexuel. La société me présente les homosexuels comme des anormaux, des malades, ou des pervers. Or, moi, je ne me sens ni anormal, ni malade, ni pervers. C’est surement que je ne suis pas homosexuel … ». Certains homosexuels qui sont dans cette phase vont, par exemple, avoir une vie « hétéro » : il y en a eu beaucoup dans les générations nées à l’époque où l’homosexualité était encore pénalisée et classée comme « maladie mentale ». Il y en a encore, car il est difficile d’accepter soi-même ce que les autres n’acceptent pas.

La deuxième phase, qui démarre parfois longtemps après la première, est celle de l’intériorisation, de l’auto-discrimination. Un peu comme si la personne se disait : « Je pense de plus en plus que je suis homosexuel. La société me présente les homosexuels comme des anormaux, des malades, ou des pervers. Or, moi, je pense de plus en plus que je suis homosexuel. C’est donc sans doute que je suis un peu anormal, malade ou pervers. ». C’est la phase dans laquelle les personnes « différentes » sont le plus mal : c’est là qu’elles s’aiment le moins, que leur « estime de soi » est au plus bas, qu’elles vont avoir le plus de comportements à risques.

Les deux premières périodes sont aussi celles où la personne « différente » aura parfois, pour se protéger, pour éviter d’être discriminer, un comportement très discriminatoire vis à vis des personnes qui lui ressemblent. Sans doute y avait-il, parmi celles et ceux qui criaient très fort dans les cortèges contre l’ouverture du mariage, des personnes dont on ignorait l’homosexualité mais qui étaient là pour qu’on soit bien certain – et pour être bien certaines elles-mêmes – de leur hétérosexualité.

La troisième phase, réellement mis en lumière par les scientifiques canadiens, est la phase de différenciation ou d’élitisme. Dans cette phase – dans laquelle sont les « dindes qui votent pour Noël » la personne homosexuelle se fera cette réflexion : « Je suis homosexuel. La société me présente les homosexuels comme des anormaux, des malades ou des pervers. Elle n’a pas tort car j’en ai rencontré des homos pervers, anormaux, malades. J’en ai rencontré des homos qui donnent une si mauvaise image de l’homosexualité. Mais moi, je suis différent d’eux, je suis mieux qu’eux. ». Cette phase, qui dure parfois très longtemps, est une période complexe à comprendre. C’est celle de l’homosexualité homophobe. La personne homosexuelle ne va pas supporter ceux qui donnent une image de l’homosexualité qui ne lui plait pas : les hommes efféminés, les filles masculines, les personnes séropositives au VIH, ceux qui veulent se marier, ceux qui veulent être parents, ceux qui vivent en couple, ou ceux qui restent célibataires, ceux qui sont dans « le milieu » ou ceux qui n’y sont pas… Parfois, malheureusement, certains restent « bloqués » dans cette phase, incapables de remettre en cause leur vision de la société. Incapable d’un peu de bienveillance. Incapable d’accepter que dans la différence il y aussi de la diversité.

La quatrième phase est celle de la vraie et totale acceptation de soi. Celle où la personne homosexuelle se dit : « Je suis homosexuel. La société me présente les homosexuels comme des anormaux, des malades, des pervers. J’en ai vu des pervers, des malades, mais pas plus chez les homos que chez les autres. Et j’ai vu des homos pas pervers, pas malades. Et moi je suis homo, ni pervers, ni malade, ni anormal. C’est sans doute que la société se trompe en transmettant ces images négatives, ces stéréotypes. Et je vais expliquer à la société qu’elle se trompe et en quoi elle se trompe. ».

On repère les personnes qui sont, enfin, arrivées dans cette phase, à leur sérénité et à leur cohérence. En général, aussi, à leur engagement. Mais pas à leur dogmatisme : Elles ont compris que les chemins de l’acceptation sont nombreux, difficiles, personnels à chaque individu. Il faut laisser à chacun le temps de faire son chemin. Son propre chemin.

L’homosexuel qui rejette une partie des homosexuels, l’étranger qui critique les étrangers arrivés après lui, ces personnes sont bloquées dans la 3eme phase. Elle peut être longue, très longue. Certains n’en sortent jamais.

Il faut leur dire qu’il y a encore un pas à faire. Il faut les encourager. Il faut les aider à prendre conscience qu’elles sont meilleures qu’elles ne le croient. Que leur sentiment de supériorité n’est que le déguisement de leur mal-être.

Pour que la société aille mieux, et qu’elle ne hiérarchise pas les êtres qui la composent en fonction de si petites différences.

Christophe Desportes-Guilloux

(1) Bill Ryan, professeur à l’Université de Québec à Montréal et Jean-Yves Frappier, pédiatre, ancien président de la société canadienne de pédiatrie. Je dois la transmission de cet apport théorique à la Ligue Française pour la Santé Mentale, et en particulier au pôle dirigé par Eric Verdier


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